Une mauvaise santé augmente le risque de chômage

Par CHRISTEL DUPUY-FERBER, publié le mardi 24 novembre 2020 18:31 - Mis à jour le mardi 24 novembre 2020 18:31

Jean-Marie Pottier Sciences humaines - Mensuel N° 331 - Décembre 2020

La pandémie de covid-19 a placé le gouvernement français, comme beaucoup d’autres, devant un arbitrage déchirant entre santé et économie : le confinement des populations et la multiplication des restrictions sanitaires ont plongé l’économie dans une récession qui, estiment certains commentateurs, aura elle-même un impact négatif sur la santé des citoyens. De précédentes études avaient pointé l’impact du chômage sur l’état de santé physique en raison par exemple de renoncements aux soins, d’une hausse du taux de suicide, etc. Deux économistes, Jérôme Ronchetti et Anthony Terriau, viennent eux de conclure à l’hypothèse d’un impact prédominant de la santé sur le maintien dans l’emploi, et non l’inverse.

Les auteurs sont partis des données produites entre 2010 et 2014 par l’Enquête santé et protection sociale (ESPS). Indéniablement, la proportion de chômeurs qui se considèrent en mauvaise santé ou déclarent une maladie chronique est plus élevée que pour les non-chômeurs, dans un ordre d’environ dix points de pourcentage. Mais cela ne suffit pas à prouver un lien de causalité car cette population de chômeurs n’a pas les mêmes caractéristiques sociodémographiques que les non-chômeurs. J. Ronchetti et A. Terriau ont donc comparé deux échantillons « appariés », c’est-à-dire ajustés, pour avoir en moyenne les mêmes caractéristiques. Tous les individus sont actifs dans le secteur privé mais le premier groupe est resté en emploi entre 2010 et 2014, l’autre groupe ayant basculé dans le chômage au cours de cette même période. De cette comparaison statistique, les auteurs concluent que « le chômage n’a pas d’effet significatif sur la santé mais qu’en revanche la santé a un impact significatif sur la probabilité d’être au chômage, ce qui contribue à expliquer l’association entre chômage et mauvaise santé observée ».

On assiste, selon eux, à un « effet de sélection » : « Les individus en mauvaise santé ont plus de mal à trouver ou à se maintenir en emploi, ce qui accroît la probabilité d’observer un chômeur en mauvaise santé. » Une conclusion à laquelle ils étaient déjà parvenus dans une précédente étude menée à partir des données de l’enquête Emploi et publiée en 2019. Et qui, soulignent-ils, confirme des travaux sur le même sujet réalisés en Finlande, en Allemagne ou aux États-Unis. 

Jérôme Ronchetti et Anthony Terriau, « L’impact du chômage sur l’état de santé », Revue économique, 2020/7, et « Impact of unemployment on self-perceived health », The European Journal of Health Economics, n° 20, août 2019